Du 5 au 29 avril 2017, l’association Muscari présente, à Lyon, l’exposition Collages de Gareguin Zakoyan, artiste et cinéaste arménien, disciple de Sergueï Paradjanov. Pour la première fois en France, cet artiste protéiforme expose ses collages, comme des invitations à la réflexion et à l’imagination.
Critique de cinéma reconnu, scénariste, réalisateur documentaliste, auteur d’une dizaine de films, de monographies, d’articles et d’essais, Gareguin Zakoyan s’est inspiré de l’art graphique tout au long de sa vie artistique. Il a peint à l’huile, à l’aquarelle, travaillant le bois et la pierre, a produit des applications et des collages. Ces derniers vont tellement le fasciner qu’il délaissera peu à peu les autres techniques. Conçu au départ comme un mode de vision du monde, le collage deviendra par la suite l’essence même d’une pensée créatrice échappant à toute contingence physique. Au bout d’un moment le collage et la cinématographie deviennent ses principales occupations, domaines non pas distincts ou parallèles, mais plutôt unis et entremêlés. Ce qui est compréhensible, car, comme le disait Paradjanov, « le collage, c’est du film compressé ».
Pour répondre aux règles du genre, les collages de Gareguin Zakoyan représentent une sorte de jeu d’intelligence et de citations, où la composition utilise timbres postaux, morceaux de lettres et de papier peint, tickets de voyages, chiffons de différents tissus, fragments d’images issus de films ou de photos, coupures de presse, bris d’objets tirés de la vie quotidienne et possédant leur propre texture et leur propre biographie. Tout cela contribue à la révélation brute d’une nouvelle sémantique des objets qui font l’ordinaire du monde et de notre vie.
Dans la pensée « paradoxale » de Gareguin Zakoyan, le collage constitue le fruit d’une perception qui vise à échapper aux automatismes, d’une fusion du temps et de l’espace, d’une aspiration incontrôlable de l’homme vers sa liberté intellectuelle, hors des règles et des préjugés. Dès lors, toute chose physique se transforme en artefact où le concret se dissipe pour se sublimer en image esthétique. Ainsi s’écroule le monde dans la conscience de l’homme au moment même où il se remet à le restituer.
Le collage n’est donc qu’une méthode radicale de la connaissance esthétique appliquée à la réalité et adaptée aux nouvelles conditions. Il reflète la lutte éternelle de l’âme contre les agressions du monde moderne. Il nous apprend à déchiffrer les paradoxes de la vie, à remettre en question constats et axiomes au profit d’une existence où tout est simultané et parallèle.
Poésie transformée en objet visuel de la méditation autonome, selon A. Losev, le collage, né des recherches esthétiques de Braque, de Picasso, de Schwitters, de Matisse, qui atteignent une sorte de perfection avec Serguey Paradjanov, largement utilisé dans l’architecture, dans le design, dans l’art vidéo, se glisse dans la musique et dans la littérature, prend une place audacieuse dans la vie quotidienne.
G. Zakoyan n’a pas pour objectif de choquer le spectateur par l’illogique authenticité des choses qu’il met en scène au sein de ses oeuvres. Il nuance son ironie pour constater que nous n’avons pas d’autres moyens de survie et qu’il nous faut apprendre à porter un regard nouveau sur le monde, sur chaque parcelle de vie où elle apparaît afin de nous aider à conserver lucidité et joie de vivre.
Avant-propos, catalogue de l’exposition
Gareguin Zakoyan
Né en 1947 à Erevan, Gareguin Zakoyan est un scénariste, réalisateur documentaliste, historien et théoricien du cinéma mais aussi éditeur et auteur arménien.
Après ses études de lettres à l’Université d’Erevan en 1970, il s’est tourné très vite vers le cinéma en occupant différents postes dans ce domaine. Il a réalisé son premier film « Mignor » en 1990. Il a fondé un an plus tard la Cinémathèque nationale d’Arménie et a organisé depuis des festivals de cinéma en France, en Arménie et à l’étranger. Il a écrit de nombreux articles et ouvrages sur l’histoire et la théorie du cinéma.
Au-delà de son travail cinématographique et éditorial, Gareguin Zakoyan est également un artiste pluriforme qui révèle dès 1975 un imaginaire composé de films, de peintures, d’aquarelles mais aussi des collages…